La Convention judiciaire d’intérêt public de la Société IDEMIA :

Cette Convention a été signée le 20 juin 2022 entre la société IDEMIA et le procureur de la République Financier 1.

A contrario de la CJIP EGIE AVIA, cette convention n’a rien de compliquer et pourtant, elle pose, elle aussi, son niveau de difficulté, car le pacte de corruption a été modifié en cours de route, les informations n’étant pas nécessairement claires, il a fallu redoubler de vigilance lors de la lecture et lors de l’élaboration des schémas. 

  1. Les sociétés :

Trois sociétés sont mentionnées dans cette Convention:

Deux d’entre elles ont le même dirigeant de droit, qui n’est, pour autant, pas mentionné dans la Convention. Après des recherches approfondis, il s’avère que le dirigeant de droit à l’époque des faits se trouve être Ziaur Rahman, à ne pas confondre avec son homonyme, qui lui a été l’un des présidents du Bangladesh. 

Peu d’informations peuvent être trouvées en source ouverte (en ligne), en raison notamment de son homonyme, mais aussi en raison du fait que les informations ont pu être effacées. 

Néanmoins, j’ai fini par trouver toutes les modifications effectuées pour l’une des sociétés dirigée par Ziaur Rahman 2 et 3.

La deuxième société dirigée par Ziaur Rahman a été dissoute 4.

  1. La timeline :

La timeline va vous aider à comprendre le dérouler des évènements, en effet, entre les contrats conclus avec les sous-traitants/ intermédiaires, l’obtention et la conclusion du contrat pour le marché public et le versement des sommes d’argent, plus l’ouverture de deux enquêtes, car il y a également une enquête faite par la Banque Mondiale sur les faits mentionnés, cela n’a rien d’évident. 

Pour autant, il y a une chose un peu particulière à voir, ce sont les échanges entre décatur, Tiger IT et Oberthur. Ces échanges sont intervenus antérieurement à la publication de l’appel d’offres du marché bangladais des cartes d’identité. Cela démontre la détention d’informations par l’une des parties permettant de se préparer à cet appel d’offre. La convention mentionne à juste titre  que : « un intermédiaire bangladais, résident britannique, était susceptible d’avoir obtenu des informations privilégiées sur les spécifications techniques du marché à venir » (§9). Donc, monsieur Ziaur Rahman était en possession de ces informations. 

Néanmoins, les termes « informations privilégiées » se retrouvent généralement pour le délit d’initié et pas dans le cas d’un marché public à venir. Cela prête un peu à confusion et il aurait sans doute été préférable de ne pas employer ces termes-là. 

  1. Le contrat :

Le contrat le plus problématique, à mon sens est celui conclu entre Oberthur et Tiger IT et Décatur. Il n’est pas mentionné s’il y avait un contrat d’ensemble, mais il s’agissait initialement de deux contrats de sous-traitances : 

  • L’un quant à la fourniture de polycarbonate par la société Tiger IT à la société Oberthur pour la fabrication des cartes d’identité. 
  • L’autre quant aux hologrammes qui devaient être apposés sur les cartes d’identité. 

Ils avaient été convenu que si la commande dépassait les 70 millions de carte, Oberthur devait verser à Décathur 0,024€ par carte. Tel a été le cas, la commande est passée de 70 millions à 90 millions de cartes d’identité commandées. Ce qui revenait à payer : 480 000€.

Néanmoins, après le versement des 730 000 euros à G, via la société Decatur, il a été convenu, que le versement susmentionné « devait compenser l’abandon de l’intervention de Tiger pour l’achat de polycarbonate et la renonciation par décatur à la facturation de 0,024 par carte au-delà du volume de 70 millions de cartes » (§23). 

Le nouvel accord, entre ces trois sociétés, a donc été modifié et seules, Oberthur et Décatur faisaient encore affaire. 

  1. Le mode opératoire :

Il était prévu initialement que deux sociétés devaient intervenir dans ce schéma de corruption, néanmoins, une seule est restée et c’est à travers elle que les fonds pour l’agent public sont passés. 

Il parait difficilement concevable que personne ne se soit rendu compte du manège, sauf si on prend en compte une sur-facturation des prestations de décatur à Oberthur permettant de faire passer l’avantage indu à l’agent public. 

La sur-facturation consiste à augmenter le prix réel des prestations fournies. Pour rendre cela plus crédible, les sociétés vont nécessairement utilisées des factures, qui peuvent être réelles comme fausses. En l’occurence, le premier versement, de 730 000 euros à Décatur pour G, a été justifié par une fausse facture de formation émise par Décatur. 

Ainsi, sauf si les comptables de Decatur avaient prêté attention, cette opération passait totalement inaperçu. En effet, Décatur a été payé 730 000 euros pour une fausse prestation et cette même somme a été reversée à l’agent public. Il y a donc eu un flux entrant et sortant. Ce type de système impliquant le recours à une société s’appelle : une société facturière, celle-ci facture et les rentrées financières sont égales aux sorties financières. 

De plus, l’agent public, G, a reçu plus que 730 000 euros, néanmoins, il n’est pas fait mention des sommes exactes dans la Convention, il n’est donc pas possible de les rendre visible sur le schéma. 

Pour finir, Oberthur n’a pas été la seule société sanctionnée pour ces faits là, TIGER IT l’a également été 5.

Publié le 31 juillet 2022.

© Ambre Petrequin – Tous droits réservés.

Les écrits ainsi que les schémas ont été rédigés et créés par Ambre Petrequin, ils ne peuvent être repris, sous quelconque forme que ce soit, à moins de me tagger ou de me mentionner.