La Convention judiciaire d’intérêt public signée par la Bank of China 🇨🇳

Pour cette semaine j’ai choisi cette Convention, car elle touchait essentiellement à du blanchiment et je me suis dit que pour continuer à montrer comment le blanchiment fonctionne, pourquoi pas en faire la démonstration. 🫡

La Bank of China a signé la convention judiciaire d’intérêt public avec le Procureur de la République près le Tribunal de judiciaire de Paris, le 10 janvier 2020. La Bank of China était poursuivie pour des chefs de blanchiment en bande organisée d’escroquerie à la TVA en bande organisée et de blanchiment de fraude fiscale – les infractions d’origines étant toutes deux commises en France – (Voir l’article sur l’infraction générale de blanchiment)

La Bank of China a son siège social à Beijing en Chine 🇨🇳 et propose de nombreux services : 

  • Services bancaires aux entreprises et aux particuliers ;
  • Services sur les marchés financiers ;
  • Services bancaires commerciaux.

Cette banque est aussi bien implantée en Chine que dans 57 autres pays dans le monde :

Exemple de pays où est implanté la BOC.

Pour autant, ce n’est pas le siège social ici qui avait fait défaut, mais la succursale de la Bank of China se trouvant dans la province chinoise du Zhejiang, à Hangzhou. Aussi pour comprendre le déroulement des opérations, voici un schéma de la timeline entre 2012 et 2020 :

Timeline des opérations.

Après l’ouverture d’une information judiciaire pour les chefs d’accusation susmentionnés, des commissions rogatoires ont révélé l’utilisation d’une multitude de sociétés à travers divers pays européens pour le transfert des fonds : 

Pays européens utilisés pour le transfert des fonds.

Schéma des différentes sociétés se trouvant dans les pays européens.

Tout le monde me suit encore ? 🤔

Parfait. ☺️

La question qui se pose ici est : Comment la succursale de la Bank of China a pu être impliquée dans de l’escroquerie à la TVA et de la fraude fiscale commises en France ?

Simplement en blanchissant le produit de ces infractions. 

La Bank of China s’est vu « reproché d’avoir ouvert ces comptes sans que soit démontré le respect des diligences prévues par les normes antiblanchiment d’identification du client et de vigilance sur les transactions » (CJIP BOC, §14, p3).

En d’autres termes, elle a été punie car elle n’a pas fait suffisamment attention aux transactions qui passaient sur les différents comptes ouverts chez elle et n’a pas suffisamment fait attention aux personnes qui avaient ouvert ces comptes. 

Le problème a été le fait qu’elle laisse, pendant une période d’au moins deux ans, des fonds transités sur des comptes ouverts chez elle, sans avoir fait le nécessaire pour savoir si ces fonds étaient licites. Il y avait donc une habitude au regard de la durée, mais également un problème de diligence. 

Au niveau mondial, tout le monde essaye de mettre en place une politique antiblanchiment et les banques sont les premières à devoir l’appliquer, puisque la majorité des fonds, provenant de crime ou de délit, finissent par transiter sur des comptes bancaires. 

De plus, le blanchiment effectué ici se trouve dans la partie tenant à la succursale de la BOC, elle a effectué des opérations de conversion et de dissimulation de manière répétée. En effet, pendant deux ans, des sommes se sont retrouvées sur les différents comptes, sommes qui potentiellement ont été utilisées, il y a donc bien de la conversion, mais également de la dissimulation en ce que l’opération d’ensemble a permise de cacher l’origine des fonds, les rendant de fait licites.

Voilà pourquoi la Bank of China a dû payer la somme de 3 900 000€ à la France. 

Parfois il vaut mieux y réfléchir à deux fois avant de blanchir de l’argent…

Publié le 19 juin 2022.

© Ambre Petrequin – Tous droits réservés.

Les écrits ainsi que les schémas ont été rédigés et créés par Ambre Petrequin, ils ne peuvent être repris, sous quelconque forme que ce soit, à moins de me tagger ou de me mentionner.

L’infraction générale de blanchiment 🧼💶.

Le blanchiment fait partie de ce que l’on appelle « des infractions de conséquences » c’est-à-dire qu’il faut l’exigence d’un crime ou un délit préalable, antérieurement commis. 

Le blanchiment n’est pas très compliqué à comprendre puisque l’on comprend tous que cela vient du verbe blanchir et donc rendre propre. Le blanchiment sert donc à rendre propre une chose qui était sale, en l’occurence de l’argent dans la majorité des cas. 

La définition légale du blanchiment se dédouble en deux alinéas pour englober massivement toutes les hypothèses possibles de blanchiment (Article 324-1 alinéa 1 et 2 du Code pénal).

Ainsi « le blanchiment est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect.
Constitue également un blanchiment le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit. »1

  1. La justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus :

Cet alinéa semble un peu barbare quand on le lit, car il n’est pas simple à comprendre, en effet, que signifie le fait « de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect » ? 

De manière assez simpliste, il s’agit d’aider à mentir sur l’origine des biens ou revenus d’une personne qui a commis un crime ou un délit, lui ayant procuré un profit. Même la version simplifiée semble encore un peu compliquée et si je vous montrais ? 

Il faut donc un mensonge qui porte sur les biens ou revenus et non pas sur le profit du crime ou du délit. Il faudra donc démontrer que la personne qui aide à justifier mensongèrement de l’origine d’une chose, l’a fait sur les biens et revenus et non le profit tiré du crime ou du délit. 

J’espère que vous me suivez toujours ? 🤔 Bien alors continuons…

Les biens et les revenus s’entendent dans le sens stricte du terme. Il peut donc s’agir de biens mobiliers (voiture ; montres ; garde-robe ; etc) comme immobiliers (immeuble ; maison…). Les revenus se définissent comme « ce qui est perçu, en nature ou en monnaie, par quelqu’un ou une collectivité comme fruit d’un capital placé (intérêt sur un capital prêté, dividende sur un capital engagé), ou comme la rémunération d’une activité (profit) ou d’un travail (salaire) » 2.

Bon je vais vous compliquer un peu les choses : il est possible que le menteur sur mon schéma soit la personne A, qui est l’auteur d’un crime ou d’un délit. Ce qui signifie qu’il s’agira de la même personne.

AUTO-BLANCHIMENT.

Vous trouverez la directive européenne ici : 3

La jurisprudence de la Cour de cassation a, d’abord, énoncé cette possibilité pour l’alinéa 2, puis pour l’alinéa 1 : 

  • Cour de Cassation, Crim, 14 janv 2004, n°04-81165 4 : « Les dispositions de l’article 324-1 alinéa 2 C.pén est applicable à l’auteur du blanchiment du produit d’une infraction qu’il a lui-même commise ».
  • Cass, Crim, 20 fev 2008, n°07-82977 5 : « L’article 324-1 C.pén est applicable à l’auteur du blanchiment du produit d’une infraction qu’il a lui-même commise »

La différence entre ces deux décisions est que dans la deuxième, la chambre Criminelle n’a pas mentionné un alinéa en particulier, mais l’article dans son ensemble. Il fallait donc l’entendre comme le fait que cela était applicable aussi bien à l’alinéa 2 du blanchiment, mais également à son alinéa 1. 

Par la suite de nombreuses autres décisions ont été rendues telle que l’arrêt de la Cour de cassation, Crim, 7 décembre 2016 n°15-87.335 6 : L’arrêt a été censuré pour ne pas avoir retenu des faits constitutifs de blanchiment distincts des versements pour lesquels le prévenu avait été déclaré coupable d’abus de biens sociaux.

Prenons donc l’arrêt de 2016 susmentionné et schématisons le pour comprendre : 
« M. Armen Y…, représentant légal de la société Domaine des Broix, a été poursuivi du chef d’abus de biens sociaux pour avoir fait verser, par cette société, la somme 2 008 990, 17 euros à la société Capfin investissement Ltd, à titre de commissions correspondant à des prestations fictives ; qu’il est également poursuivi du chef de blanchiment pour avoir fait apparaître ces sommes comme étant des commissions ».

Crim, 7 décembre 2016 n°15-87.335

L’infraction d’abus de biens sociaux sera traitée dans un autre article très prochainement. Il vous sera donc possible de vous y référer pour comprendre cette partie là du schéma. ☺️

2. Le placement, la conversion et la dissimulation : 

Je pense qu’il s’agit ici de l’alinéa le plus simple, quand bien même, on ne comprend pas nécessairement ce qu’est le placement, la conversion ou la dissimulation. En effet, il s’agit ici d’aider à une opération de placement, de conversion ou de dissimulation du produit de l’infraction c’est-à-dire du crime ou du délit. 

Commençons par le plus basic : 

Il convient de rappeler qu’il est aussi possible d’avoir le même auteur de blanchiment et du crime ou délit, tout comme il est possible que ce ne soit pas le même individu.

Pas la même personne.
La même personne

Ensuite, je me dois de vous expliquer certains termes, notamment le placement, la conversion et la dissimulation :

Opération de placement.

Opération de conversion.

Opération de dissimulation.

Prenons un exemple regroupant ces trois termes et voyons où se trouve l’opération de placement, de conversion et dissimulation. Pour le cas d’espèce, c’est un homme qui vend de la drogue et qui récupère de l’espèce. Cette espèce est placée sur le compte de sa femme, qui va, avec ces sommes, acheter une moto. 

Exemple susmentionné.

En ce qu’il est du produit de l’infraction, celui-ci est considéré comme le profit réalisé, grâce à l’infraction c-à-d par le crime ou le délit. Généralement, le produit de l’infraction sera souvent de l’argent, en espèces notamment, mais il peut s’agir d’autres choses, comme des titres ou des pièces à conviction. 
Ce produit de l’infraction peut-être direct ou indirect, en conséquence, il peut s’agir de l’argent obtenu de la revente d’un scooter volé, pour le caractère indirect.

Nous avons vu ici l’infraction générale de blanchiment, mais il existait bien avant celle-ci, des infractions spéciales de blanchiment pour le proxénétisme 1, le trafic de stupéfiants 2 ou encore le terrorisme 3.

Si vous avez réussi à me suivre jusque là, je vous félicite 👏🏼 et je vous remercie, car cela signifie que j’ai réussi à rendre limpide une infraction qui peut être problématique en général, et surtout lors d’un cas pratique pour les personnes en droit, cette infraction se confondant souvent avec l’infraction principale commise.

Si on arrive à la distinguer du reste des infractions lors de la lecture d’un arrêt ou d’un cas pratique, il sera plus simple d’identifier si il faut appliquer l’alinéa 1, ou 2, ou les infractions « spéciales » de blanchiment.

Publié le 12 juin 2022.

© Ambre Petrequin – Tous droits réservés.

Les écrits ainsi que les schémas ont été rédigés et créés par Ambre Petrequin, ils ne peuvent être repris, sous quelconque forme que ce soit, à moins de me tagger ou de me mentionner.